Chaque soir, une adolescente traîne dans les couloirs d’une radio publique. Elle y accompagne sa mère, femme de ménage. La jeune fille s’y imprègne des récits, émissions et informations qu’elle y entend. Elle plonge la tête la première dans les sujets de société et s’immerge dans le monde « sonore » reflété par le média radiophonique. Cependant, entre les valeurs républicaines qu’elle apprend à l’école et la population extrêmement privilégiée qu’elle croise dans les couloirs de la radio, des questions commencent à émerger dans son esprit aiguisé. Cette radio qui semble s’adresser à tous a-t-elle vraiment conscience de son existence à elle ? De l’existence de sa mère ? Pourquoi les personnes qui leur ressemblent ne sont-elles jamais invitées à s’y exprimer ? Même lorsque qu’un sujet les concerne ? Un soir, alors que le studio s’est vidé et que tout est calme, la jeune fille comprend qu’il lui suffirait de pousser un bouton pour être entendue du monde entier.
S’ensuit une série de soirées où, poussée par une créativité dévorante et par le besoin de faire entendre qui elle est, d’où elle vient, et qui sont ceux qui partagent son destin, l’adolescente va créer son émission pirate des ondes. Rapidement accompagnée de son fidèle compagnon, jeune voisin d’immeuble beatmaker qui maîtrise l’art du montage audio, les sessions s’enchaînent et se déchaînent transformant le studio en véritable tribune des invisibles. Mais réussiront-ils longtemps à s’exprimer sans se faire repérer ? Leur radio pirate trouvera-t-elle son public ? Racontée depuis un futur qui semble avoir vu naître des milliers de pirates sous diverses formes, cette histoire, souhaite donner la parole à cette jeunesse qui, élevée dans l’universalisme de la république, s’aperçoit qu’elle n’en a pas pour autant les même chances de réussite que ses camarades des beaux quartiers. Pour cela, nous faisons appel à des personnages vifs, créatifs et aux ambitions immenses comme peuvent l’être les ambitions des jeunes. Mais des jeunes évoluant dans une société qui continue de véhiculer un modèle profondément inégalitaire qui met à mal leurs rêves d’avenir.

Nous faisons ce spectacle pour cet âge charnière. Cet âge qui veut s’identifier à des modèles, exister pour ce qu’il est, et qui parfois ne peut pas le faire faute aux inégalités sociales qui freinent leur accès à la parole, aux études, aux métiers… Et comment, malgré ce constat sociologique accablant, réussir à forger un récit émancipateur qui puisse les porter ? Et peut-être faire entrevoir un futur sinon utopique, du moins désirable et enthousiasmant.
Le titre « Radio Pirate » qui rappelle la résistance est bien ici donné pour y faire référence. Car dans la guerre faite aux pauvres que nous vivons, aux pauvres et plus particulièrement si ce sont des femmes ou des personnes racisées, il faut bien que la parole soit prise… afin que « les français parlent aux français »